Burkina Faso : Plus de 152 milliards de FCFA injectés dans l’importation de produits médicaux et pharmaceutiques en 2023

Le secteur de la santé est un pilier important pour le développement économique et social du Burkina Faso. Pourtant, ce domaine stratégique reste largement tributaire des importations de produits médicaux et pharmaceutiques pour répondre aux besoins des populations. En 2023, cette dépendance a coûté au pays plus de 152 milliards de FCFA injectés dans l'importation de produits médicaux et pharmaceutiques, une somme colossale qui reflète les défis structurels du système de santé burkinabè. Bien que ce chiffre marque une légère baisse par rapport à 2022, il souligne une réalité persistante : le Burkina Faso figure parmi les pays les plus dépendants des importations pour ses besoins sanitaires.
En 2024, jusqu’au 2ᵉ trimestre, les produits médicaux et pharmaceutiques occupaient la deuxième place des importations du pays, juste derrière les produits pétroliers raffinés, selon les données de l’Institut national de la statistique et de la démographie (INSD).
Des besoins sanitaires en constante augmentation
Le Burkina Faso fait face à des défis sanitaires complexes qui stimulent directement la demande en produits médicaux et pharmaceutiques. Le pays est confronté à une forte prévalence de maladies infectieuses comme le paludisme, les infections respiratoires aiguës et les maladies diarrhéiques, ainsi qu’à une montée en puissance des maladies chroniques telles que le diabète et l’hypertension. Ces problèmes de santé touchent particulièrement les populations rurales, où l’accès aux soins reste limité en raison de l’éloignement géographique et parfois du manque d’infrastructures.
Crises humanitaires et pression sur le système de santé
L’insécurité croissante dans certaines régions du pays a entraîné des déplacements massifs de populations, aggravant les besoins sanitaires. Les crises humanitaires, combinées aux épidémies récurrentes, ont accru la demande en produits essentiels tels que les antibiotiques, les vaccins et les consommables médicaux (gants, seringues, etc.). Ces situations d’urgence mettent également à rude épreuve les infrastructures de santé déjà fragiles, limitant leur capacité à répondre efficacement aux besoins des zones les plus reculées.
Des infrastructures sanitaires insuffisantes
Malgré des progrès notables ces dernières années, les infrastructures de santé du Burkina Faso restent insuffisantes pour faire face à la demande croissante. Le manque de personnel qualifié, la concentration des équipements dans les zones urbaines et les disparités régionales dans l’accès aux soins constituent des obstacles majeurs. Ces lacunes renforcent la dépendance du pays aux importations de produits médicaux et pharmaceutiques, une situation qui pèse lourdement sur les finances publiques.
Une dépendance aux importations : tendances et enjeux
Le Burkina Faso importe la quasi-totalité des produits médicaux et pharmaceutiques qu’il consomme. En 2023, la valeur de ces importations s’est élevée à 152,427 milliards de FCFA, selon les données de l’INSD. Ce chiffre illustre l’ampleur du marché pharmaceutique mais aussi la vulnérabilité du pays face aux fluctuations des prix internationaux et aux tensions géopolitiques.
Évolution des importations entre 2014 et 2023
Depuis 2014, les importations de produits médicaux et pharmaceutiques ont connu une tendance globalement à la hausse. En 2014, elles s’élevaient à 96,843 milliards de FCFA, pour atteindre un pic de 190,703 milliards de FCFA en 2022, en grande partie en raison des besoins liés à la pandémie de COVID-19, selon les statistiques de l’INSD. Bien que 2023 ait marqué une légère baisse, les importations restent à un niveau élevé, témoignant de la persistance des besoins sanitaires non couverts.
Principaux produits importés et partenaires commerciaux
Les produits les plus importés incluent des médicaments génériques (paracétamol, antibiotiques, antipaludiques), des consommables médicaux (seringues, gants chirurgicaux) et des vaccins pour les programmes de santé publique. Les principaux fournisseurs du Burkina Faso sont la Chine, l’Inde et certains pays européens, dont la France. Cependant, les tensions diplomatiques récentes avec la France pourraient avoir contribué à la baisse des importations en 2023, compte tenu du rôle central qu’elle jouait dans l’approvisionnement du pays.
Une augmentation soutenue des importations
Les données préliminaires de l’INSD, jusqu’au 2e trimestre de 2024, indiquent une stabilisation des importations, avec une valeur cumulée estimée à 85 milliards de FCFA, un niveau qui reste élevé. Le taux de croissance annuel composé (TCAC) des importations entre 2014 et 2023 est d’environ 5,17 %, un indicateur qui témoigne de la pression croissante sur le système de santé.
Tendances et projections
En se basant sur un taux de croissance annuel composé (TCAC) de 5,17 % observé sur l'année 2023, en 2024, la valeur des importations de produits médicaux et pharmaceutiques pourraient atteindre 160,31 milliards de FCFA, contre 152,427 milliards en 2023. Si la même tendance se maintient, leur valeur devrait atteindre 168,62 milliards de FCFA en 2025, reflétant une demande sanitaire toujours croissante.
À plus long terme, si cette dynamique se maintient, les importations pourraient franchir la barre des 200 milliards de FCFA d’ici 2030, atteignant environ 206,5 milliards de FCFA.
Ces chiffres soulignent l’urgence de renforcer la production locale et de réduire la dépendance aux importations, afin de garantir un accès durable et abordable aux soins pour les populations burkinabè.
Vers une production locale : initiatives et défis
Pour réduire sa dépendance aux importations, les autorités burkinabè ont encouragé et soutenu plusieurs initiatives visant à développer une production locale de produits médicaux et pharmaceutiques. Parmi celles-ci, l’usine Propharm, inaugurée en 2022, est un exemple emblématique.
Propharm : une avancée majeure pour l’autosuffisance
Située dans la commune de Komsilga, Propharm est la première usine pharmaceutique du Burkina Faso. Avec un capital initial de 200 millions de FCFA, elle produit des médicaments génériques essentiels tels que le paracétamol, les sels de réhydratation orale combinés au zinc et le phloroglucinol. L’objectif est de répondre aux besoins locaux tout en réduisant les coûts pour les populations. Propharm envisage également d’élargir sa gamme pour inclure des médicaments contre le paludisme, une maladie qui reste un fléau majeur dans le pays.
SIPHARJOONG : combler le déficit en consommables médicaux
Une autre initiative prometteuse est l’usine SIPHARJOONG, spécialisée dans la production de seringues et de gants chirurgicaux. Avec une capacité annuelle de 50 millions de seringues et 10 millions de gants, cette unité vise à répondre aux besoins en consommables médicaux tout en créant des emplois locaux.
Les défis à surmonter
Malgré ces avancées, plusieurs obstacles freinent le développement de la production locale :
- Qualité et normes : Les produits locaux doivent respecter des standards internationaux pour être compétitifs.
- Financement : Les projets industriels nécessitent des investissements massifs, souvent difficiles à mobiliser pour les promoteurs locaux.
- Régulation : Un cadre juridique favorable est essentiel pour stimuler la production locale et protéger le marché national.
Perspectives pour l’avenir
Renforcer les politiques publiques
Le gouvernement burkinabè a mis en place des mesures pour encourager la production locale, notamment en exonérant de taxes douanières l’importation d’équipements destinés à l’industrie pharmaceutique. Cependant, il est crucial de créer un environnement propice à l’innovation et d’améliorer l’accès aux financements pour soutenir ces initiatives.
Promouvoir les partenariats public-privé
Des collaborations entre l’État, le secteur privé et des partenaires internationaux pourraient accélérer le développement du secteur. L’intégration régionale au sein des pays de l’AES offre également des opportunités pour établir des chaînes de valeur régionales et développer une industrie pharmaceutique répondant aux besoins des populations.
Investir dans la formation et la recherche
Le renforcement des capacités humaines dans les domaines de la pharmacie et de l’ingénierie médicale est essentiel. Par ailleurs, la promotion de la recherche pour développer des solutions adaptées aux besoins locaux pourrait jouer un rôle clé dans l’autosuffisance pharmaceutique.
Le Burkina Faso se trouve à un tournant décisif dans le secteur des produits médicaux et pharmaceutiques. Si les importations restent une nécessité à court terme pour répondre aux besoins urgents de la population, le développement de la production locale offre une voie prometteuse vers l’autosuffisance.
Des initiatives comme Propharm et SIPHARJOONG témoignent du potentiel du pays, mais leur succès dépendra d’un soutien politique et financier continu. Avec une stratégie coordonnée et des investissements soutenus, le Burkina Faso pourrait devenir un modèle en Afrique de l’Ouest pour la production pharmaceutique locale.